statement Panorama-cinéma magazine in Montreal, Canada
Olivier Thibodeau 2023
Ce film minimaliste et poignant fait preuve d’une intelligence hors du commun qui se déploie tout en subtilité. Pensons d’abord à son titre surprenant, mystérieux, doté d’une profondeur insoupçonnée; celui-ci réfère simultanément à la présence de l’humanité dans un lieu (« je suis ici »), mais aussi à l’existence de ce lieu indépendamment des êtres humains qui l’arpentent (« je suis ici »). En effet, malgré son caractère verbeux et un poil mélodramatique, I AM HERE! possède une mise en scène qui n’est pas tout à fait anthropocentrique, s’attardant beaucoup à la forêt qui sert de lieu de rencontre entre les deux protagonistes. Cette forêt précède leur arrivée dans le champ, comme elle prédate leur existence terrestre. Elle est parfois même l’objet central de l’objectif, qui relègue alors la parole humaine en arrière-plan, allant tantôt jusqu’à utiliser celle-ci comme un simple complément de la mise en scène forestière (c’est le cas notamment lors des chants hommage à la« verdure » qu’effectue la voix lancinante de Martina Spitzer). La forêt possède une vie propre, indépendante de notre regard, s’étendant bien au-delà de sa portée, et c’est elle qui semble ici gracier l’humanité de son luxuriant théâtre, plus que l’humanité qui la gracie de sa présence.
C’est un lieu-clé pour Monika et Martin, qui s’y retrouvent après des décennies d’absence, et dont on découvre bientôt que le seul dessein à l’écran est de renouer d’amitié. Nous voyons deux personnes entrer dans la forêt avec une pelle, et nos réflexes de cinéphiles s’emballent tout de suite, imaginant que le duo vient y entreprendre quelque action funeste ou se lancer dans quelque aventure fantasque. Mais que fait exactement Martin avec cette pelle ? La vérité, c’est qu’il est venu déterrer (pour mieux enterrer) les souvenirs de sa jeunesse. Or, voilà d’ailleurs la raison d’être du film, qui sert avant tout à immortaliser la réunion des deux ami·e·s, séparé·e·s depuis l’enfance, de même que le partage des événements traumatiques de leur vie récente (incluant la mort de leurs mères respectives). Prenant la forme d’un atelier d’art dramatique, usant d’un cadre ouvert et de longs plans où les personnages s’incarnent, se développent et se laissent gagner librement par l’émotion, l’œuvre respecte tout autant ses sujets végétaux qu’humains. D’ailleurs, on note ici que le recours à une trame narrative improvisée insuffle un surplus de vraisemblance aux récits des personnages, qui dans leur banalité, mais surtout dans leur caractère extrêmement détaillé et dans l’émotion sincère qu’elle provoque chez les interprètes, nous semblent toujours parfaitement vraisemblables.
C’est un instantané de l’insoutenable lourdeur de l’être que capte ainsi Wüst, mais avec une ouverture salutaire sur quelque chose de toujours plus grand que la misère individuelle, qu’il s’agisse de l’empathie d’autrui, de la puissance du partage interpersonnel, de la catharsis cinématographique ou du potentiel libérateur d’un ailleurs auquel le cinéma donne accès d’une façon presque thaumaturgique. Le « je suis ici » réfère ainsi à deux lieux simultanément, soit le décor familier de l’enfance des personnages et le décor exotique de leurs rêves, dans ce cas-ci l’Égypte mystérieuse où l’on nous catapulte subrepticement vers la fin du récit pour échapper à la triste domesticité de l’Autriche rurale. Parce qu’au cinema, « I am here » est rarement synonyme d’« I am stuck here ».
Dieser minimalistische und ergreifende Film beweist eine ungewöhnliche Intelligenz, die sich auf subtile Weise entfaltet. Denken wir zunächst an den überraschenden, mysteriösen Titel mit ungeahnter Tiefe, der sich sowohl auf die Präsenz der Menschheit an einem Ort bezieht ("Ich bin hier") als auch auf die Existenz dieses Ortes unabhängig von den Menschen, die ihn durchqueren ("Ich bin hier"). Trotz seines wortreichen und etwas melodramatischen Charakters ist I AM HERE! nicht ganz anthropozentrisch inszeniert, da er viel Zeit auf den Wald verwendet, in dem sich die beiden Protagonisten treffen. Dieser Wald geht ihrer Ankunft auf dem Feld voraus, ebenso wie er ihre irdische Existenz vorwegnimmt. Manchmal ist er sogar das zentrale Objekt des Objektivs, das die menschliche Sprache in den Hintergrund drängt und sie manchmal sogar als bloße Ergänzung der Waldinszenierung verwendet (z. B. bei den Huldigungsgesängen an das "Grün", die Martina Spitzers eindringliche Stimme singt).
Der Wald hat ein Eigenleben, das von unserem Blick unabhängig ist und sich weit über seine Reichweite hinaus erstreckt, und es ist der Wald, der hier die Menschheit mit seinem üppigen Theater zu begnadigen scheint, mehr als die Menschheit, die ihn mit ihrer Anwesenheit begnadigt. Es ist ein Schlüsselort für Monika und Martin, die sich hier nach Jahrzehnten der Abwesenheit wiedersehen und von denen wir bald erfahren, dass ihre einzige Absicht auf der Leinwand darin besteht, ihre Freundschaft wieder aufleben zu lassen. Wir sehen, wie zwei Personen mit einer Schaufel in den Wald gehen, und unsere Kinoreflexe springen sofort an und stellen uns vor, dass das Duo dort etwas Unheilvolles tun oder sich in ein wildes Abenteuer stürzen will. Aber was genau macht Martin mit der Schaufel? Die Wahrheit ist, dass er die Erinnerungen an seine Jugend ausgraben (um sie besser zu begraben) will. Das ist auch der Grund für den Film, denn er dient in erster Linie dazu, die Wiedervereinigung der beiden Freunde, die seit ihrer Kindheit getrennt waren, und den Austausch traumatischer Ereignisse aus ihrem jüngsten Leben (einschließlich des Todes ihrer jeweiligen Mütter) festzuhalten.
In der Form eines Schauspielworkshops, mit einem offenen Rahmen und langen Einstellungen, in denen die Charaktere verkörpert werden, sich entwickeln und frei von Emotionen sind, respektiert der Film seine pflanzlichen und menschlichen Themen gleichermaßen. Der Rückgriff auf einen improvisierten Erzählrahmen verleiht den Geschichten der Figuren zusätzliche Glaubwürdigkeit. In ihrer Banalität, aber vor allem in ihrer extremen Ausführlichkeit und den ehrlichen Emotionen, die sie bei den Darstellern hervorrufen, erscheinen sie uns immer absolut glaubwürdig. Es ist eine Momentaufnahme der unerträglichen Schwere des Seins, die Wüst auf diese Weise einfängt, jedoch mit einer heilsamen Öffnung für etwas, das immer größer ist als das individuelle Elend, sei es die Empathie anderer, die Kraft des zwischenmenschlichen Austauschs, die filmische Katharsis oder das befreiende Potenzial eines Anderswo, zu dem das Kino auf fast thaumaturgische Weise Zugang verschafft. Das "Ich bin hier" bezieht sich somit auf zwei Orte gleichzeitig, nämlich die vertraute Umgebung der Kindheit der Figuren und die exotische Umgebung ihrer Träume, in diesem Fall das geheimnisvolle Ägypten, in das wir gegen Ende der Erzählung heimlich katapultiert werden, um der tristen Häuslichkeit des ländlichen Österreichs zu entfliehen. Denn im Kino ist "I am here" selten gleichbedeutend mit "I am stuck here".
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C’est un lieu-clé pour Monika et Martin, qui s’y retrouvent après des décennies d’absence, et dont on découvre bientôt que le seul dessein à l’écran est de renouer d’amitié. Nous voyons deux personnes entrer dans la forêt avec une pelle, et nos réflexes de cinéphiles s’emballent tout de suite, imaginant que le duo vient y entreprendre quelque action funeste ou se lancer dans quelque aventure fantasque. Mais que fait exactement Martin avec cette pelle ? La vérité, c’est qu’il est venu déterrer (pour mieux enterrer) les souvenirs de sa jeunesse. Or, voilà d’ailleurs la raison d’être du film, qui sert avant tout à immortaliser la réunion des deux ami·e·s, séparé·e·s depuis l’enfance, de même que le partage des événements traumatiques de leur vie récente (incluant la mort de leurs mères respectives). Prenant la forme d’un atelier d’art dramatique, usant d’un cadre ouvert et de longs plans où les personnages s’incarnent, se développent et se laissent gagner librement par l’émotion, l’œuvre respecte tout autant ses sujets végétaux qu’humains. D’ailleurs, on note ici que le recours à une trame narrative improvisée insuffle un surplus de vraisemblance aux récits des personnages, qui dans leur banalité, mais surtout dans leur caractère extrêmement détaillé et dans l’émotion sincère qu’elle provoque chez les interprètes, nous semblent toujours parfaitement vraisemblables.
C’est un instantané de l’insoutenable lourdeur de l’être que capte ainsi Wüst, mais avec une ouverture salutaire sur quelque chose de toujours plus grand que la misère individuelle, qu’il s’agisse de l’empathie d’autrui, de la puissance du partage interpersonnel, de la catharsis cinématographique ou du potentiel libérateur d’un ailleurs auquel le cinéma donne accès d’une façon presque thaumaturgique. Le « je suis ici » réfère ainsi à deux lieux simultanément, soit le décor familier de l’enfance des personnages et le décor exotique de leurs rêves, dans ce cas-ci l’Égypte mystérieuse où l’on nous catapulte subrepticement vers la fin du récit pour échapper à la triste domesticité de l’Autriche rurale. Parce qu’au cinema, « I am here » est rarement synonyme d’« I am stuck here ».
Dieser minimalistische und ergreifende Film beweist eine ungewöhnliche Intelligenz, die sich auf subtile Weise entfaltet. Denken wir zunächst an den überraschenden, mysteriösen Titel mit ungeahnter Tiefe, der sich sowohl auf die Präsenz der Menschheit an einem Ort bezieht ("Ich bin hier") als auch auf die Existenz dieses Ortes unabhängig von den Menschen, die ihn durchqueren ("Ich bin hier"). Trotz seines wortreichen und etwas melodramatischen Charakters ist I AM HERE! nicht ganz anthropozentrisch inszeniert, da er viel Zeit auf den Wald verwendet, in dem sich die beiden Protagonisten treffen. Dieser Wald geht ihrer Ankunft auf dem Feld voraus, ebenso wie er ihre irdische Existenz vorwegnimmt. Manchmal ist er sogar das zentrale Objekt des Objektivs, das die menschliche Sprache in den Hintergrund drängt und sie manchmal sogar als bloße Ergänzung der Waldinszenierung verwendet (z. B. bei den Huldigungsgesängen an das "Grün", die Martina Spitzers eindringliche Stimme singt).
Der Wald hat ein Eigenleben, das von unserem Blick unabhängig ist und sich weit über seine Reichweite hinaus erstreckt, und es ist der Wald, der hier die Menschheit mit seinem üppigen Theater zu begnadigen scheint, mehr als die Menschheit, die ihn mit ihrer Anwesenheit begnadigt. Es ist ein Schlüsselort für Monika und Martin, die sich hier nach Jahrzehnten der Abwesenheit wiedersehen und von denen wir bald erfahren, dass ihre einzige Absicht auf der Leinwand darin besteht, ihre Freundschaft wieder aufleben zu lassen. Wir sehen, wie zwei Personen mit einer Schaufel in den Wald gehen, und unsere Kinoreflexe springen sofort an und stellen uns vor, dass das Duo dort etwas Unheilvolles tun oder sich in ein wildes Abenteuer stürzen will. Aber was genau macht Martin mit der Schaufel? Die Wahrheit ist, dass er die Erinnerungen an seine Jugend ausgraben (um sie besser zu begraben) will. Das ist auch der Grund für den Film, denn er dient in erster Linie dazu, die Wiedervereinigung der beiden Freunde, die seit ihrer Kindheit getrennt waren, und den Austausch traumatischer Ereignisse aus ihrem jüngsten Leben (einschließlich des Todes ihrer jeweiligen Mütter) festzuhalten.
In der Form eines Schauspielworkshops, mit einem offenen Rahmen und langen Einstellungen, in denen die Charaktere verkörpert werden, sich entwickeln und frei von Emotionen sind, respektiert der Film seine pflanzlichen und menschlichen Themen gleichermaßen. Der Rückgriff auf einen improvisierten Erzählrahmen verleiht den Geschichten der Figuren zusätzliche Glaubwürdigkeit. In ihrer Banalität, aber vor allem in ihrer extremen Ausführlichkeit und den ehrlichen Emotionen, die sie bei den Darstellern hervorrufen, erscheinen sie uns immer absolut glaubwürdig. Es ist eine Momentaufnahme der unerträglichen Schwere des Seins, die Wüst auf diese Weise einfängt, jedoch mit einer heilsamen Öffnung für etwas, das immer größer ist als das individuelle Elend, sei es die Empathie anderer, die Kraft des zwischenmenschlichen Austauschs, die filmische Katharsis oder das befreiende Potenzial eines Anderswo, zu dem das Kino auf fast thaumaturgische Weise Zugang verschafft. Das "Ich bin hier" bezieht sich somit auf zwei Orte gleichzeitig, nämlich die vertraute Umgebung der Kindheit der Figuren und die exotische Umgebung ihrer Träume, in diesem Fall das geheimnisvolle Ägypten, in das wir gegen Ende der Erzählung heimlich katapultiert werden, um der tristen Häuslichkeit des ländlichen Österreichs zu entfliehen. Denn im Kino ist "I am here" selten gleichbedeutend mit "I am stuck here".
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